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Sur le gaspillage alimentaire

Peut-être est-ce là un résidu des anciennes civilisations que le gaspillage socialement organisé de nos précieuses productions alimentaires. Alors que les pratiques des sociétés dites «primitives» s’annonçaient dépassées, le sacrifice et les offrandes de nourriture semblent simplement avoir changé de visage; les dons aux dieux prenant lentement la forme de nos gaspillages aux flux et lois capitalistes. On estime actuellement à 40% les pertes et le gaspillage de notre production alimentaire canadienne tout au long de la chaîne de production, soit quelques 27 milliard de dollars par an1. La production mondiale jetée s’élève à environ 1.3 milliard de tonne de nourriture par an2. Cela n'équivaut pas uniquement à de la perte nécessaire, mais intègre également le gaspillage de produits encore consommables. Alors que la récolte mondiale actuelle permet de nourrir environ 2.5 milliard de personne selon le régime américain, on estime qu'il serait possible d'atteindre 10 milliards de personne selon le régime indien. On peut alors interroger le système de production, de consommation et de distribution de nos sociétés face à la violence de la malnutrition et des famines encore présentes dans notre monde.

 À titre de comparaison, au simple niveau des consommateurs, le gaspillage des pays industrialisés (222 M de tonnes) équivaut presque à la production nette de l'ensemble des pays sub-sahariens (230 M de tonnes)3. Les pays en voie de développement effectuant majoritairement des pertes en début de ligne de production et de transformation, les pays riches se distinguent surtout par leur gaspillage en fin de ligne. Il est important de considérer que ce gaspillage ne se limite pas à sa valeur monétaire ou nutritive, mais qu'il comprend également un ensemble d'impacts environnementaux. Lorsqu'un aliment est jeté, c'est tout ce qui a été nécessaire à sa production, terre, eau, produits chimiques, engrais, graines, énergie solaire, de transport, de transformation, d'empaquetage, énergie humaine, temps, matière d'empaquetage, etc. C’est l’ensemble de ce déploiement qui se retrouve au bout du compte gaspillé. L'impact environnemental des décompositions est également une nuisance qui aurait pu être évitée suivant un compostage adéquat. Il est d'une importance primordiale de faire pression sur notre système et de créer des initiatives concrètes au sein de notre quotidien.

Voici les différentes proportions du gaspillage alimentaire canadien dispersées sur différents maillons de la chaîne de production, soit la production agricole, la transformation, la distribution, la transformation, l’empaquetage, les services de restauration et de détaillants et le niveau domestique (schéma du George Morris center1);
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Alors que la plupart des études sur cette situation semblent s'entendre sur l'importance de modifier le système (soit afin de créer de la valeur, d'améliorer la compétitivité des industries, etc.), peu d'entre elles identifient ce problème comme la conséquence d'une structure globale désuète. L'orientation adoptée par ces recherches ne remettra jamais en cause le principe de base de la production alimentaire; soit qu'il s'agit non pas d'aliments destinés à la nutrition de personnes, mais bien de marchandise ayant une valeur et pouvant générer du profit. La valeur économique prime sur la valeur nutritionnelle d'un aliment 4. De ce principe découle une panoplie de conséquences générant cet énorme gaspillage alimentaire.

La plus lourde raison au gaspillage de nos sociétés industrielles est sans doute sa possibilité première; nous pouvons nous le permettre. On accusera probablement les consommateurs en premier, mais cela est ne pas tenir compte du contexte économique dans lequel chacun.e baigne quotidiennement. La surproduction de l'industrie mène évidemment à la tendance, par l'incitation, à la surconsommation. Au travers de la publicité, de messages médiatiques et de rabais promotionnels le client se fait pousser constamment à adopter un mode de vie justifiant la surproduction globale, soit acheter plus que ses propres besoins. Peu importe la gestion du réfrigérateur du client, il est pratiquement impossible ne pas gaspiller lorsqu'il est deux fois, trois fois trop rempli. Le rituel de la consommation comme moyen au bonheur s'applique également dans le domaine de l'alimentation.

Alors que la production alimentaire dépasse la demande mondiale, on pourra se demander d'abord pourquoi la production alimentaire s'exclu de la loi de l'offre et de la demande, mais aussi pourquoi 40% de cette production est maintenu inaccessible. Si la chaîne de production peut maintenir un tel taux de gaspillage, cela signifie d'abord que les pertes encourues sont assumées par les profits des produits vendus. En outre, chaque fois que nous achetons, nous payons une partie d'un autre aliment qui est jeté aux ordures des détaillants et distributeurs, nous payons donc toujours trop cher. Pourquoi donc ne pas offrir aux consommateurs les aliments jetés qu'ils paient de toute façon? Le client ayant son dû gratuitement ou à prix dérisoires, n'achètera pas le même produit sur les étalages à plein prix. De plus, pour la plupart des entreprises la vente d'un produit à rabais rapporte moins que son gaspillage combiné à la vente d'un autre item à plein prix. La loi capitaliste est sans appel, jeter profite plus que de donner, gaspiller rapporte plus que d'utiliser.

Cela a pour conséquence, involontaire ou non, notamment de maintenir la lutte pour l'existence. Rare est le travail effectué  par pure dévotion, il est d'abord synonyme de salaire. Une alimentation trop peu coûteuse, de paire avec le logis, l'éducation, les soins de santé et autres, ne pourrait justifier un système de travail généralisé de quarante heure par semaine nécessaire aux influx de développement économique capitaliste. Maintenir la surproduction et son gaspillage est aussi une manière d'augmenter les flux économiques de notre système, qui reste aveugle devant les limites de nos ressources et la finitude de notre monde.

Ce sont sans doute ces lois économiques qui empêchent le développement d'une culture de consommation d'aliments de seconde qualité, mais d’autres facteurs contribuent aussi à ce blocus. Le désir de la sur-hygiène, le dogme de la date de péremption ("À trois ou quatre jours de la date de péremption, nous retirons les produits des tablettes" nous confiait une gérante de super marché5, alors que certains produits durent beaucoup plus longtemps), la peur de poursuite légale, ainsi que les standards de qualité sont tous des facteurs contribuant aux gaspillages.

De plus, les facteurs culturels engendrés par notre économie influence notre appréhension de la vente et de la consommation, tel que de vouloir constamment assurer le choix, l'abondance et la meilleure qualité possible afin de maintenir une compétition féroce. Pensons à nos fameux buffets à volonté jetant quantité de nourriture, les deux pour un, les concours de goinfres médiatisés, les restaurants surchargeant les assiettes, etc. Cette culture de l'abondance se développe de par notre surproduction tout en réaffirmant et justifiant à nouveau ses excès. On oriente les désirs des consommateurs et leurs demandes renchérissent l’abondance.

Autre réalité; les contrats des producteurs agricoles avec les distributeurs doivent garantir des quotas de production. De sorte que pour s’assurer le renouvellement de son contrat, et par le fait même son revenu, le fermier augmente sa production afin de pouvoir faire face à toutes éventualités, telles que de mauvaises conditions météorologiques, des invasions de vermine et de ravageurs, de mauvaises récoltes, etc. Les récoltes excédentaires, parce que les détaillants et distributeurs sont saturés, se retrouvent finalement à être achetées à rabais, ou à pourrir sur place. S'il y a acheteur, ce sera généralement chez les éleveurs animaliers ou les transformateurs de nourriture en gros. Autrement, s’il n’y a pas d’acheteur, le coût en main d’œuvre pour une récolte entraînant un déficit, on l'abandonne sur place.

Les standards de qualité des détaillants entraîneront le refus automatique de certaines récoltes avant même leur chargement en transport. Le désir d'homogénéité et de perfection se reflète sur l'ensemble des caractéristiques de nos aliments tel que leur apparence, poids, forme, saveur, etc. Un détaillant croit qu'une carotte croche ne se vendra pas, le client vivant loin des terres agricoles n'a jamais eu l'occasion de réaliser qu'une carotte croche goûtait aussi bon qu'une carotte droite, ainsi le client n'achète pas de carotte croche. De manière générale, le client n’en a même pas la possibilité, tant ces critères de sélection des compagnies sont répandus.

De plus, des banalités aussi triviales que des erreurs de transformation (recettes mal suivies), d’emballage ou encore d'impression rejetteront également un produit et son contenu. Un paquet sali, endommagé, voir hors d'édition ne s'achètera pas. Un paquet de chou-fleur congelé étiqueté « Carottes en cube » ne pourra être vendu. Certains produits promotionnels, qui par quelques décisions venant des sommets managériales, se retrouve hors des rayons simplement parce que le design en a été modifié ou parce qu’ils ne sont plus effectifs. Qui achèterait des biscuits de Noël au mois de février? N'oublions pas non plus les erreurs de dosage de l'industrie encourant le rejet forcé de certains produits rendus inconsommables. Au sein de la viande et des produits laitiers, un surplus hormonal ou encore de drogue vétérinaire en est une des causes. La présence de toxine, de pesticides hors norme ou de contaminants est également un dommage collatéral de l'industrie visant la surproduction en jouant abondamment avec des produits malsains.

Les jeux de la spéculation permettent également l’infamie du gaspillage. À titre d’exemple, la crise mondiale de l'inflation sur les denrées alimentaires de 2007-2008 et les famines et soulèvements qui s’en suivirent n’ont absolument rien à  voir avec une sous-production alimentaire mondiale. Cette crise représente bel et bien l’absurdité des lois spéculatives qui ont su interdire l’accès aux aliments par une montée drastique des prix et menacer quelques 37 pays de famines6, alors que le gaspillage alimentaire s’accomplissait toujours avec si peu de pudeur. Ainsi, la spéculation domine également la sphère alimentaire. Notre monde le confirme lorsque qu'une personne réussit socialement et économiquement mieux en investissant son temps à la bourse, plutôt que dans l'agriculture, lorsqu'il crée de la valeur spéculative, plutôt que de la nourriture.


Quoi faire?

En prenant conscience que l’insécurité alimentaire n’est pas tant une question de production insuffisante que d’accès  à l’alimentation produite, plusieurs initiatives doivent être entreprises pour éliminer ce gaspillage généralisé et réorganiser nos chaînes de production. Alors que les pressions au niveau politique peuvent paraître longues, épuisantes et inefficaces, une série de mesure peuvent se déployer par l’entremise d’organisations et d’initiatives au niveau de la société civile. La clé de la chaîne de l'alimentation se situe au sein de l'organisation détaillante et distributive; elle exerce des pressions à la fois sur le monde de la clientèle et sur celui de la production agricole, structurant à la fois les habitudes de consommation et les habitudes de production.

S’unir peut offrir un poids suffisant pour convaincre de petits détaillants de modifier leurs pratiques. L’accès gratuit aux invendus par exemple pourrait s’obtenir dans des conditions plus salubres que le fameux dumpster diving, en échange de la fréquentation d'un groupe d’achat à cette épicerie pour d’autres produits. On peut facilement s'imaginer des boîtes de légumes à donner dans les marchés au lieu d'avoir à les trouver au fond d'une benne à ordure. Une union des consommateurs créant et développant ses propres standards de consommation, voir son propre type de consommation serait également une alternative intéressante. Il faudrait toutefois garder l’œil ouvert face au danger de développer la vente de produits qui se retrouvent généralement aux ordures, et qui consistent une alimentation gratuite pour plusieurs dumpster divers. Réussir à vendre ce qui est invendu n’éviterait aucunement le gaspillage, cela ne ferait que légitimer et enrichir un système désuet sans en attaquer la cause.

L'ensemble de l'idéologie de la consommation alimentaire doit changer, soit celle où quantité de choix est fourni en permanence. Notre système devrait apprendre à mieux gérer ses ressources, mais aussi s'orienter vers autre chose que la surconsommation. Est-il réellement possible de réorganiser un supermarché afin qu’il n'effectue aucun gaspillage et encourage une consommation raisonnable? À la base, l'alimentation devrait nourrir, il s'agit de réorienter l'obsession du profit de l'industrie alimentaire vers sa réelle fonction.

Le maillon de la production agricole doit être diversifié. Au lieu de fermes corporatives de masses, des petites productions diversifiées mieux coordonnées au sein du système pourraient éviter les pertes inutiles. Améliorer la communication tout au long de la chaîne de production afin d'éviter du transport inutile, ou encore un engorgement de produits chez les détaillants, créer des possibilités d'achat plus près des agriculteurs, viser une alimentation plus locale et saisonnière, améliorer les infrastructure de stockage et de distribution, créer des systèmes de coopération entre agriculteurs où les surplus de l'un couvrirait le manque de l'autre, limiter l'importation massive d'aliments exotiques, éviter les productions emprisonnant des travailleuses et travailleurs dans des conditions allant à l'encontre des droits de la personne, ici comme à l'étranger, sont tous des moyens qui pourrait à la fois éviter le gaspillage et modifier la chaîne de production. Mais il en est un qui tend généralement à rester sous silence. Rappelons que la gratuité alimentaire est une solution qui s’attaquerait à la racine du problème; personne ne devrait avoir à payer pour se nourrir.

Malgré le discours dominant et l'octroie habituel de la responsabilité aux consommateurs, la simple conscientisation des masses ne saurait à elle seule créer le changement. Qu'en est-il de la conscientisation de l'industrie? Et celle des patrons et dirigeants? Le temps de la conscientisation et de l'adaptation des détaillants aux consommateurs, toujours imprévisible,  est un temps où le gaspillage se poursuit impunément. Nous devons créer des alternatives le plus rapidement possible afin de faire pression sur la chaîne dans son ensemble et à tous les niveaux, organiser collectivement notre propre production alimentaire au lieu d'attendre quelques changements corporatifs des hautes sphères sans portée réel sur le problème. Offrons à toute personne un accès gratuit à l’alimentation.



1 Martin Gooch, Abdel Felfel, Nicole Marenick. Food waste in Canada, Value Chain Management centre, George Morris centre, November 2010, en ligne: http://www.ccibioenergy.com/userfiles/html_file/Food%20Waste%20in%20Canada%20112410.pdf
2 Jenny Gustavsson, Christel Cederberg, Ulf Sonesson. (Swedish Institute for Food and Biotechnology (SIK) Gothenburg, Sweden) et Robert van Otterdijk, Alexandre Meybeck (FAO, Rome, Italie), Global food losses and food waste. 2011 En ligne :http://www.fao.org/docrep/014/mb060e/mb060e00.pdf
3 Idem
4 La valeur nutritionnelle ne doit pas être comprise comme la simple composition en minéraux, vitamines et calories d’un aliment, mais bien par le fait qu’il puisse nourrir une ou plusieurs personnes.
5 VALLET, Stéphanie. Esclave des dates de péremption, 28 décembre 2012, La Presse, Montreal. En ligne : http://www.lapresse.ca/actualites/201212/28/01-4607132-esclaves-des-dates-de-peremption.php
6 FAO, Crop prospects and food situation, Countries in crisis requiring external assistance. April 2008  http://www.fao.org/docrep/010/ai465e/ai465e02.htm

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